24 février 2015

La critique d’avant-hier soir / Lancement Pagu (21)

Note sur Cacao
[et sur Parc industriel]
par Murilo Mendes

Cacao est-il un roman prolétaire ? demande Jorge Amado dès l’ouverture du livre. Il faut avant toute chose savoir ce que l’auteur entend par roman prolétaire. Je pense que la mentalité prolétaire est encore en formation ; ce n’est qu’à présent que le prolétariat prend conscience de son rôle historique ; par conséquent, surtout dans des pays au développement capitaliste très en retard, comme le nôtre, il n’existe pas encore une mentalité prolétaire. Naturellement, l’écrivain qui ne trouve pas de motifs d’inspiration dans la vie déjà en décomposition de la société bourgeoise, devra observer la vie des prolétaires, et, s’il veut être un écrivain révolutionnaire, devra s’intégrer à l’esprit prolétaire, dans le cas contraire il fera un simple reportage. Le cas récent de Pagu est typique. « Roman prolétaire », annonce l’auteur au frontispice de Parc industriel. Il y a erreur. C’est un reportage impressionniste, petit-bourgeois, réalisé par quelqu’un qui souhaitait franchir le pas mais ne l’a pas fait. On assiste à l’entrée à l’usine, à la sortie de l’usine, à des rencontres entre le fils du grand capitaliste et la fille de l’ouvrier, etc. Il semble que pour l’auteur l’objectif de la révolution soit de résoudre la question sexuelle.
Sur le parc industriel proprement dit, on sait peu de choses.
Quant à Cacao, ce livre a une tout autre consistance. L’auteur examine la vie des travailleurs de la plantation de cacao avec une ample vision du problème, et ne sacrifie pas au pittoresque l’intérêt humain du drame. Du point de vue littéraire il est bien écrit, sans excès de détails descriptifs ; les conditions de vie dans les plantations sont présentées schématiquement, il y a du mouvement, du naturel dans les dialogues. Les personnages sont plutôt réalistes, même si la fille du Colonel, vers la fin du livre, a de ces palpitations qui nous font penser que l’auteur a voulu faire de la littérature. […]
Avec ce livre, Jorge Amado rejoint l’élite des nouveaux écrivains brésiliens.

(M. Mendes, « Nota sobre Cacau »,
Boletim de Ariel, Rio de Janeiro, n°12, septembre 1933, p. 317.)

N.B. : Murilo Mendes (1901-1975), auteur des éditions Ariel, publiait là dans la revue des éditions Ariel un compte-rendu sur un livre publié aux éditions Ariel. Il s’agit du 7e et dernier écho critique, le seul négatif, consacré à l’époque au roman de Patrícia Galvão (Pagu) qui fut le premier « roman prolétaire » au sens strict publié au Brésil, six mois avant celui de Jorge Amado, lequel connut un autre succès…

À paraître :
Patrícia Galvão (Pagu)
Parc industriel
(roman prolétaire)
Inédit en français
Prologue de Liliane Giraudon
Le Temps des Cerises
mars 2015

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