29 octobre 2016

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Puisque l’on s’obstine à ne pas vouloir lire Oswald de Andrade en français, lisons-le en espagnol !


Tarde de lluvia

Llueve, lluvia, está lloviendo
que la ciudad de mi bien
estáse toda lavando.

Señor,
que yo no quede nunca
como ese viejo inglés
ahí del lado,
que duerme en una silla
esperando visitas que no vienen.

Llueve, lluvia, está lloviendo,
que los jardines de mi bien
estánse todos limpiando.

La lluvia cae,
cae de bruces,
la magnolia abre su paraguas
parasol de la ciudad
de Mario de Andrade ;
la lluvia cae,
escurren las goteras del domingo.

Llueve, lluvia, está lloviendo,
que la casa de mi bien
estáse toda mojando.

Anochece sobre los jardines.
Jardín de Luz.
Jardín de la plaza de la República,
jardín de los platanares.

Noche.
Noche de Hotel.
Llueve, lluvia. Está lloviendo.

Oswald de Andrade


Il s’agit du fameux « Soidão » (« Chove chuva choverando… ») publié dans le deuxième recueil de l’auteur, Primeiro caderno do aluno de poesia Oswald de Andrade (couverture de Tarsila do Amaral, illustrations de l’auteur, São Paulo, s. n., 1927, tiré à 300 exemplaires). Oswald de Andrade y exploitait le filon de la poésie naïve, après Pau Brasil (1925).

La présente version espagnole est due au poète péruvien Alberto Guillén (1897-1935), qui l’inséra dans sa riche anthologie de poésie latino-américaine contemporaine, publiée en Espagne : Poetas jóvenes de América (Exposición) (Madrid, M. Aguilar, 1930, 289p. ; p.62-63 pour le texte cité). Anthologie de poésie latino-américaine, en effet, puisque à côté des 210 poètes de langue espagnole, venus d’Argentine, de Bolivie, de Colombie, de Cuba, d’Amérique centrale, du Chili, d’Équateur, du Mexique, du Pérou, de Porto Rico, d’Uruguay et du Venezuela, y figuraient 18 poètes brésiliens, dont plusieurs associés comme Oswald de Andrade au courant moderniste (Ronald de Carvalho, Guilherme de Almeida, Manuel Bandeira — mais pas Mário de Andrade, Carlos Drummond de Andrade, Luis Aranha, Sérgio Milliet…).

Le fait est assez exceptionnel pour être signalé. Pendant les années 1920, en effet, rares et précaires furent les relations entre le modernisme brésilien et les divers foyers de l’avant-garde hispano-américaine (eux-mêmes très interactifs). En témoignent les sommaires des nombreuses petites revues indépendantes, publiées dans toutes les capitales culturelles, à tel point qu’il fallait presque s’en remettre à la Revue de l’Amérique latine, de Paris, pour voir se côtoyer, de temps à autre et chacune dans leur rubrique encore, les nouvelles générations latino-américaines.

Alberto Guillén, lui, aura voulu « les convaincre d’être tous frères en un même sang bleu d’Amérique », en un concert dont « toutes les notes, parfois contradictoires, parfois stridentes, parfois imprévues, musicales toujours, toujours sincères, forment, de leur stupéfiant contrepoint, la voix robuste, neuve et totale de notre Amérique » (propos tirés de la préface).

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